22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 07:13

Trois excommunications en neuf mois, après des ordinations d’évêques sans mandat papal.

Et ce n’est qu’un début ! Enquête.

Paul Pei Janmin, évêque officiel soutenu par le Vatican, pose avec les prêtres de son diocèse. Le 14 juillet dernier, il avait refusé de présider une ordination illicite © Jordan Pouille

Paul Pei Janmin, évêque officiel soutenu par le Vatican, pose avec les prêtres de son diocèse. Le 14 juillet dernier, il avait refusé de présider une ordination illicite © Jordan Pouille

Drôle d’ambiance au siège de l’Église officielle : « Vous m’excuserez, je dois ramener ce chien du parti communiste dans sa chambre », murmure un moine en poussant péniblement le fauteuil roulant d’un évêque nonagénaire, l’un des piliers de l’Église de Chine sous Mao. Il exprime à sa manière le désarroi du clergé officiel face à la vague d’ordinations non avalisées par le Vatican, qui ramène l’Église quelque 50 ans en arrière. 

Dans les locaux de l’Association patriotique et de la Conférence épiscopale, les deux agences gouvernementales contrôlant l’Église catholique en Chine, nous attend son nouveau porte-parole, le jeune prêtre Joseph Yang Yu. « Je me suis levé à 5 h 30. Je suis un peu fatigué. » Il se remet d’un séisme ecclésiastique. 

Le 14 juillet au matin, contre l’avis du Vatican et malgré les mises en garde internationales, lui et les autres cadres de l’Association patriotique ont élevé au rang d’évêque de Shantou (dans le sud de la Chine) le père Joseph Huang Bingzhang, qui refusait d’être en communion avec le pape. L’agence d’information des missions étrangères de Paris, Églises d’Asie, rapporte ainsi que "les prêtres s’étaient éclipsés pour la circonstance et seuls ceux qui ont été trouvés par les fonctionnaires ont été forcés d’assister à l’ordination. La police avait bloqué les rues aux alentours de la cathédrale et personne n’a pu entrer sans présenter un laissez-passer". Chez Asianews, une agence italienne affiliée au Vatican, on parle même de "kidnapping" d’évêques pour pouvoir procéder à l’ordination.

Sans surprise, le Saint-Siège a aussitôt excommunié le père Bingzhang, comme il l’a fait dix jours plus tôt avec le père Paul Lei Shiyin dans le Sichuan, lui aussi ordonné sans l’accord du pape. "Je suis peiné par la fermeté du Vatican, mais nous ­n’avions plus le choix", estime le porte-parole de l’Église chinoise, qui prépare déjà une nouvelle ordination à Harbin, dans le Nord. 

Il s’agit d’ordonner 40 évêques sans attendre pour occuper des postes laissés trop longtemps vacants. Car les autorités religieuses chinoises n’ont plus envie de se montrer conciliantes avec Rome. Finie l’époque, dans les années 2000, où elles n’ordonnaient pas d’évêques fidèles à Pékin dans les diocèses déjà occupés par des fidèles à Rome. Ou quand ces mêmes autorités religieuses choisissaient leurs futurs évêques parmi les candidats proposés par le Saint-Siège. En échange, celui-ci s’engageait à ne plus placer de nouveaux évêques opposés à l’autorité de Pékin. Autant de compromis qui exprimaient ce désir profond d’unifier les chrétiens de Chine dans une seule et même Église, après des décennies de souffrances.

Comment l’Église chinoise en est-elle arrivée là ? La raison vient de sa nature même, génétiquement mêlée avec le Parti. Depuis la fondation de la République populaire, la Chine communiste ne reconnaît pas le Vatican et lui refuse toute forme "d’ingérence dans ses affaires intérieures", considérant le moindre froncement de sourcil du pape comme un geste politique visant à miner la légitimité du Parti. Il est vrai que Rome a sa part de responsabilité dans l’effondrement des régimes soviétiques. Et Pékin, observant attentivement les révoltes populaires dans les pays arabes, cherche à supprimer tout facteur d’instabilité sur son sol. Enfin, le Parti se prépare à une épreuve délicate : le changement d’équipe dirigeante lors de son prochain congrès, en septembre 2012. Si Hu Jintao, son secrétaire général, veut assurer le maintien de son clan dans les hautes sphères, il doit affirmer sa fermeté et une emprise maximale sur les affaires du pays.

Rares sont donc les missionnaires et prêtres étrangers à s’aventurer en terre chinoise. Sauf sur invitation au Séminaire national de Pékin. Avec le bouddhisme, le taoïsme, l’islam et le protestantisme, Pékin reconnaît le catholicisme comme l’une des cinq religions autorisées dans le pays… mais sous son autorité exclusive. Conséquence : ce sont les très offi­cielles Association patriotique et Conférence épiscopale qui nomment et forment le clergé chinois et éditent les publications catholiques pour les fidèles. 

Et elles laissent aux bureaux des affaires religieuses de chaque province le soin de gérer les précieux terrains et le patrimoine immobilier de l’Église, dont une grande partie fut anéantie pendant la Révolution culturelle, à partir de 1966, 16 ans après l’expulsion de tous les missionnaires étrangers, qui furent de grands bâtisseurs. En revanche, les autorités financent la construction de nouveaux séminaires, de nouvelles églises ou l’entretien des anciens édifices, comme l’imposante cathédrale du Sacré-Cœur de Canton, construite par les Français au XIXe siècle et refaite à neuf entre 2004 et 2006, à l’approche des derniers Jeux d’Asie.

Parallèlement survit l’Église dite "souterraine", tenue par une partie du clergé ayant toujours refusé l’influence communiste. Elle rassemble au moins autant de fidèles que l’Église officielle – 6 millions –, princi­pa­lement dans les campagnes, loin des administrations. Là-bas, il n’est pas rare que les policiers rackettent les paroisses pour ne pas dénoncer leurs curés à l’Association patriotique. Les prêtres réfractaires risquent un séjour en camp de rééducation par le travail, pour avoir célébré une messe dans une arrière-cour ou dans le salon d’un fidèle : un rassemblement "illégal", et donc punissable.

À Tanggu, une zone industrielle polluée à la sortie de Tianjin, à 180 km à l’est de Pékin, vit le vieux Melchior Shi Hongzhen, un des derniers évêques clandestins nommés par le pape. Il attire 2 000 personnes à chaque messe dominicale, malgré la surveillance policière. Mais son passeport lui est confisqué et il ne peut se rendre en ville sans autorisation. Plus radical, le père Ma, prêtre souterrain rayonnant sur une trentaine de villages de Mongolie-Intérieure. Il a fait construire un séminaire à l’arrière d’une usine et envoie le noviciat en formation aux Philippines, grâce à des dons étrangers. Il ne dort jamais plus d’une semaine au même endroit par peur des descentes policières. Quand nous l’avions rencontré, en juillet 2010, ce prêtre radical nous disait "regretter" les gestes d’ouverture du pape envers Pékin.

Mais le fragile équilibre bâti entre les autorités chinoises et papales éclate aujourd’hui. Le retour au dialogue est-il souhaitable ? Pour quoi faire ? se demande l’écrivain catholique américain George Weigel, biographe de Jean Paul II, qui s’intéresse à l’influence de l’Église dans la démocratisation des régimes autoritaires. "L’Église catholique a 2 000 ans et le régime chinois, à peine plus de 60. L’Église peut donc se permettre d’attendre un peu. Continuer d’exercer la pression, en particulier sur la liberté de prier et sur les ordinations illégales, est peut-être plus important que tendre vers des relations diplomatiques ou le retour d’une nonciature à Pékin."

 

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Published by Orthodoxes d'Europe - dans Espaces religieux

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