VÉRITABLE SENS DE LA PHRASE :
« LA CHAIR ET LE SANG NE PEUVENT HÉRITER DU ROYAUME DE DIEU »
« Il faut que ce qui est corruptible revête l'incorruptibilité »
Saint Irénée, Contre les hérésies, livre V, chapitre 13, paragraphes 3 à 5
13, 3 Car, s'ils prétendent que cette parole a été dite de la chair à proprement parler, et non des œuvres de la chair, ainsi que nous l'avons
montré, ils mettent l'Apôtre en contradiction avec lui-même, puisqu'aussitôt après, dans la même épître, il dit en désignant la chair : « Il faut en effet que cet élément corruptible
revête l'incorruptibilité et que cet élément mortel revête l'immortalité. Lorsque cet élément mortel aura revêtu l'immortalité, alors
s'accomplira la parole de l'Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire. ? mort, où est ton aiguillon ? ? mort, où est ta victoire?»(1 Corinthiens 15, 53-55) Ces paroles seront
dites à juste titre lorsque cette chair mortelle et corruptible, en butte à la mort, écrasée sous la domination de la mort, montera vers la vie
et revêtira l'incorruptibilité et l'immortalité : car c'est alors que sera vraiment vaincue la mort, lorsque cette chair, qui était sa proie, échappera à
son pouvoir. Il dit encore aux Philippiens : « Pour nous, notre cité est dans les cieux, d'où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus, qui transfigurera
notre corps d'abjection et le rendra conforme à son corps de gloire par l'action de sa puissance. » (Philippiens 3, 20-21) Quel est donc ce corps d'abjection que le Seigneur
transfigurera et rendra conforme à son corps de gloire ? De toute évidence, c'est ce corps qui s'identifie à la chair, à cette chair qui manifeste son abjection en tombant
dans la terre. Mais la transfiguration par laquelle, de mortelle et corruptible, elle devient immortelle et incorruptible, ne vient pas de sa substance à elle ; cette
transfiguration vient de l'action du Seigneur, qui a le pouvoir de procurer l'immortalité à ce qui est mortel et l'incorruptibilité à ce qui est corruptible.C'est pourquoi
l'Apôtre dit dans sa seconde épître aux Corinthiens : «... afin que ce qui est mortel soit englouti par la vie. Or Celui qui nous dispose en vue de cela, c'est Dieu, qui nous a donné
les arrhes de l'Esprit. »( 2 Corinthiens 5, 4-5) C'est évidemment de la chair qu'il parle, car ni l'âme ni l'Esprit ne sont choses mortelles. Ce qui est mortel sera englouti par la
vie, lorsque la chair ne sera plus morte, mais vivante, et qu'elle demeurera incorruptible, chantant un hymne au Dieu qui nous aura disposés en vue de cela. Afin donc
que nous soyons disposés en vue de cela, il dit à juste titre aux Corinthiens : « Glorifiez Dieu dans votre corps. » (1 Corinthiens 6, 20) Car Dieu
procure l'incorruptibilité.
Ce qui prouve que l'Apôtre ne parle pas d'un autre corps, mais du corps de chair, c'est qu'il dit aux Corinthiens avec une précision
excluant tout doute et toute ambiguïté : « …portant sans cesse avec nous en notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus-Christ soit, elle
aussi, manifestée dans notre corps : car si nous, les vivants, nous sommes livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi
manifestée dans notre chair mortelle… »(2 Corinthiens 4, 10-11) Et que l'Esprit s'enlace à la chair, il le dit dans la même épître : « Vous êtes une lettre du Christ
rédigée par nos soins, écrite non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs. »(2
Corinthiens 3, 3) Si donc, dès à présent, nos cœurs de chair sont capables de recevoir l'Esprit, quoi d'étonnant si, lors de la résurrection, ils contiennent la vie que donnera cet
Esprit ? A propos de cette résurrection, l'Apôtre dit dans son épître aux Philippiens : «... lui devenant conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à la
résurrection d'entre les morts. » (Philippiens 3, 10-11) Ainsi donc, en quelle autre chair mortelle pourrait-on concevoir que soit manifestée la vie, sinon dans cette substance qui
est également mise à mort à cause de la confession de Dieu, ainsi qu'il le dit lui-même : « Si c'est avec des vues humaines que j'ai combattu contre les bêtes à Ephèse, quel profit
m'en revient-il, si les morts ne ressuscitent pas ? Car, si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscité ; et si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est
vaine, vaine aussi votre foi. Et il se trouve même que nous sommes de faux témoins à l'égard de Dieu, puisque nous avons témoigné qu'il a ressuscité le Christ, alors qu'il ne l'a pas
ressuscité. Car, si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscité ; et si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, car vous êtes encore dans vos péchés ;
par conséquent aussi ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si c'est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes plus dignes de pitié que
tous les autres hommes. Mais en fait, le Christ est ressuscité d'entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis. Car, puisque c'est par un homme qu'est venue la mort, c'est par un homme
aussi que vient la résurrection des morts. »(1 Corinthiens 15, 32 & 13-21)
Ainsi donc, comme nous l'avons déjà dit, ou bien les hérétiques prétendront que, dans tous ces textes, l'Apôtre contredit sa propre assertion selon
laquelle « la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu », — ou bien, une fois de plus, ils se verront contraints de donner, de tous ces textes,
des interprétations vicieuses et forcées, afin de pouvoir en pervertir et en altérer le sens. Car que pourront-ils dire de sensé, s'ils tentent d'interpréter
autrement cette parole : « Il faut en effet que cet élément corruptible revête l'incorruptibilité et que cet élément mortel revête l'immortalité »(1 Corinthiens 15, 53), et cette
autre : «... afin que la vie de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle»(2 Corinthiens 4, 11) et toutes les autres paroles par
lesquelles l'Apôtre proclame ouvertement la résurrection et l'incorruptibilité de la chair ? Ils vont donc être contraints d'interpréter de travers toute
cette multitude de textes, pour n'avoir pas voulu entendre correctement une seule phrase.